L’auto diffusion accompagnée
Pour un nouveau modèle économique de diffusion des spectacles
Il est pensé pour les compagnies qui défendent leur spectacle sous chapiteau, cabane, sur une structure de plein air, dans un véhicule.
Et pour les départements à forte dominante rurale dans lesquels la densité des équipements dédiés accueillant du public est évidemment moindre par rapport à ce qu’elle peut être dans les départements fortement urbanisés. Le département nous paraît la bonne maille, cette collectivité réservant beaucoup de ses interventions en faveur des territoires ruraux.
La France métropolitaine compte 36 départements de moins de 400 000 habitants : dont 14 de plus de 300 000 ; 11 de plus de 200 000 ; 10 de plus de 100 000 ; 1 de moins de 100 000 : La Lozère (76 600). Pour mémoire, le plus peuplé, le département du Nord compte plus de 2 600 000 habitants. Le projet concerne à ce stade ces 36 départements métropolitains qui permettent une circulation de l’un à l’autre sans coûts d’approche particuliers. L’étendre aux moins de 500 000, aux départements de Corse et d’Outre mer ne pourrait être envisageable que dans un second temps.
La collectivité départementale, par la signature d’une charte dans la suite de celle que fut (est encore?) « Droit de Cité » édictée en 2001 à l’occasion de l’année du cirque, s’engage:
– En concertation avec les communes ou les EPCI qui mettent à sa disposition, par bail emphytéotique, un terrain plan et facile d’accès par tous modes de locomotion, à proximité de chef lieu de canton, à aménager sur celui ci une aire carrée de 100m de côté, répondant à un cahier des charges établi par le CITI qui comporte comme prescriptions, la perméabilité du revêtement utilisé, le dispositif de collecte des eaux pluviales, les alimentations en eau courante, les puissances électriques servies, les équipements à demeure (sanitaires et loges), les accès poids lourds et parkings VL… En fait un modèle type conçu par des architectes et ingénieurs avec le concours de responsables techniques de compagnies pratiquant l’itinérance. Chaque aire donnant lieu à réception en bonne et due forme. Cette aire est répliquée à raison d’une pour 100 000 habitants (pour commencer) soit 3 voire 4 par département de plus de 300 000 ; 2 par département de plus de 200 000, 1 dans chacun des 11 les moins peuplés. Nous insistons sur l’importance sur la fréquentation, du choix de la localisation la plus ouverte possible sur le bassin de population concerné, d’un cadre le plus accueillant et attractif possible. Davantage encore quand il s’agit des départements les moins peuplés dont des territoires entiers ont une densité de population particulièrement faible. La Lozère c’est 14,8 hab/km2, mais son chef lieu de département 337,4. A l’échelle hexagonale cela représente entre 75 et 80 aires toutes techniquement parfaitement identiques. Néanmoins, selon que nous sommes en plaine ou en terrain accidenté des adaptations seront inévitables mais le principe demeure : en arrivant, pas de mauvaise surprise.
– du 15 mars au 15 novembre, soit huit mois par an, ces aires sont occupées par des compagnies à raison d’un créneau de deux semaines par équipe pour un minimum de 10 représentations, ce qui représente à l’échelle de l’hexagone aux environs de 1 200 créneaux. Et 12 000 représentations.
Le service culturel de chacun des 36 départements, ou un délégataire choisi par la collectivité (une scène nationale quand elle existe, un théâtre, une association d’éducation populaire) et rétribué par elle pour cette prestation établit la programmation annuelle de chaque aire sur la base d’un appel à candidatures à l’adresse des compagnies, l’année N-1, de préférence l’année N-2.
Qui dit programmation dit choix exercé : sur quelle batterie de critères. Autre question que nous ne faisons que pointer ici. (La question de la place à réserver aux cirques commerciaux est évidemment posée mais on ne fera que la pointer ici).
La collectivité départementale (solidairement ou pas avec les communes ou les EPCI) prend en charge, via son service ou le délégataire, les prestations suivantes qui auront valeur contractuelle :
– la communication sur la programmation annuelle en direction de la population locale et touristique (affichage ; plaquettes, réseaux sociaux, mailing listes constituées au fur et à mesure des années… Etc) mais aussi la médiation afférente.
– les fluides jusqu’à un certain plafond négocié avec chaque équipe accueillie
– la rémunération des ateliers pédagogiques en période scolaire négociés avec chaque compagnie et autres actions culturelles
– les réservations via un service en ligne
– la compensation des tarifs réduits pratiqués à sa demande ou à celle de la commune ou de l’EPCI. (enfants, scolaires, jeunes, chômeurs, de groupe… Etc)
Elle négocie avec les compagnies accueillies, selon le coût unitaire de la représentation justifié par chacune d’elles, un minimum de recette qui leur est garanti et qui naturellement intègre les compensations ci dessus. (Avec le concours de l’ONDA?)
Les compagnies, hors compensations ci dessus, rémunération des actions de transmission ou de médiation ci dessus évoquées et déclenchement si nécessaire de la clause de garantie de recettes ne peuvent prétendre dans ce modèle à d’autres contributions sur fonds publics. Elles déterminent la durée de leur présence sur place dans le créneau de deux semaines qui leur est réservé. Elles fixent leur prix d’entrée qui doit demeurer accessible aux populations modestes (encore une fois, tous les tarifs réduits sont compensés par la collectivité), en fonction de la jauge de remplissage qui leur permet censément d’atteindre le point d’équilibre, montage et démontage intégrés. Exemple si le tarif de chaque place occupée est fixé à 12€, que le prix de revient complet de l’opération lissé sur le nombre de représentations est de 3 600€ par représentation, toutes rémunérations comprises, la jauge ouverte doit être de l’ordre de 450 places minimum et le remplissage de 300. Ce qui de facto exclut du dispositif les trop petites jauges. Mais aussi les trop lourdes car les bassins de public ne sont pas, loin de là, inépuisables. L’équilibre financier (hors frais de communication et hors fluides) doit être atteignable.
N’empêche, si la compagnie qui vient de nous servir d’exemple, repart en ayant engrangé 36 000€ sur 10 représentations, que tout est bien sous pesé, calibré et qu’elle repart vers une autre aire , de préférence la plus proche possible pour des raisons évidentes… On évite naturellement les mois les plus froids sans se priver des mois d’activité scolaire du mieux qu’on le peut.
On réfléchit aux mesures pour résister aux épisodes de canicule (un vrai chantier : ventilation naturelle des structures, rafraîchissement par brumisation, choix des horaires de représentation en période estivale…) . On créée peut être là un modèle alternatif aux contrats de cession dans les théâtres et autres espaces bâtis, beaucoup moins onéreux pour la collectivité si on prend en compte le coût complet à l’année de fonctionnement et d’entretien du bâti et de ses équipements mais aussi le coût des investissements et des emprunts afférents, à un moment où le modèle dominant, sous l’effet de l’inflation des coûts, des moins values de recettes fiscales… Craque de partout.
Voilà une perspective à travailler, débattre, compléter, réviser, réécrire mais je le crois à ne pas abandonner.
J’entends par fois dire que le spectacle sous chapiteau (ou autre), c’est mort : insupportable économiquement pour les compagnies, trop cher pour les programmateurs. Je réponds à cela que bien sûr j’entends les arguments mais que ce qui rend l’équation impossible c’est la rareté, la discontinuité des périodes de représentation, la multiplication des montages et démontages, la casse afférente… Dans cette proposition, on se pose à chaque étape, on a le temps de procéder à l’entretien du matériel, on répartit les temps et coûts de transport, de montage et de démontage sur un nombre important de représentations. Veut on considérer qu’ainsi, une compagnie intégrant ce modèle peut, dans l’absolu, (c’est à dire que d’aire en aire elle occupe à l’année 16 créneaux) s’assurer ainsi 160 représentations par an ! C’est sans doute trop. Et que donc a minima 75 compagnies sont en situation de faire de même… Et que si elles doivent se satisfaire de 80 à l’année, ce qui est déjà considérable, elles peuvent être alors 150 à se succéder dans l’hexagone, d’aire en aire.
Combien de représentations en moyenne une compagnie qui porte « sa maison sur son dos » assure t’elle aujourd’hui de représentations par an ? Et combien sont elles d’ailleurs ?
Après, on entrera, dès lors qu’elle serait véritablement portée par un réseau de compagnies et de professionnels, dans une phase de conviction, de persuasion d’élus qui avant de voir le bénéfice pour des populations privées d’un accès régulier aux œuvres (16 propositions par an, par aire) et le caractère
économe du modèle, verront d’abord une charge supplémentaire alors qu’ils n’en peuvent mais. On le sait.
Raison de plus pour présenter une copie pensée de bout en bout, intégrant des projections financières fiables sur le coût moyen de fonctionnement d’une aire. Ce que je n’ai pas encore fait. Et puis on peut y aller crescendo, avec un premier objectif d’une aire par département, soit 36 aires.
Jean-François Marguerin,
Le 10 mars 2024