
Proposition de définition de l'« itinérance » appliquée au domaine artistique
Introduction de la table ronde "L’itinérance : un enjeu de politique culturelle et de transition écologique" par Pépita Car pour le lancement des ÉGIA lors des BIS de Nantes
Mais de quoi parle-t-on quand on dit “itinérance” ?
Si l’on pense évidemment en premier lieu au cirque traditionnel, aux montreurs d’ours, aux saltimbanques, aux structures et tréteaux allant de foire en foire, il est complexe de poser une définition définitive tant aujourd’hui les façons d’expérimenter l’itinérance artistique sont nombreuses et pratiquées par une multitude d’opérateurs (compagnies, salles de spectacles, collectivités territoriales). Qu’ils soient dispositifs nomades, hors les murs, irrigation du territoire et dispositifs de décentralisation, compagnies itinérantes de théâtre, de danse, de cirque, de marionnettes, … résidences de territoire, programmation avec lieux ou sans lieux, …
Une question se pose : qu’est ce qui différencie l’itinérance de la seule tournée de diffusion ?
Une chose est sûre car elle est commune à tous : L’itinérance, c’est un spectacle, une proposition artistique qui va vers. Vers un public, vers un territoire.
Il y a donc nécessairement un déplacement de l’espace de diffusion, avec sa structure mobile ou non, concrète ou imaginaire, mais il y a aussi un habiter car l’itinérance s’empare des espaces, s’installe sur un territoire, s’installe chez vous et invite chez lui.
1ère implication de cette définition : Un spectacle ou un dispositif itinérant c’est une proposition qui va occuper la place dans tous les sens du terme. C’est une proposition qui va investir un espace physique pendant un temps donné.
Pendant ce temps donné, ce lieu aura comme usage principal le spectacle, et tous les autres usages qui peuvent aller avec (restauration, exposition, lieu d’apprentissage, etc…).
En ce sens le spectacle itinérant peut pallier à un déficit d’équipement sur un territoire mais il peut venir questionner l’urbanisme, les mobilités, les usages et également pourquoi pas ouvrir des possibles dans des espaces qui semblaient verrouillés.
2ème implication : c’est une proposition visible, annoncée. Et oui, avant que le spectacle à proprement parlé ne commence, il y a un temps de montage, un temps de transformation du lieu, un temps d’occupation, puis démontage et départ, avec, après, la mémoire de ce qu’il s’est passé qui peut rester hanter les lieux. C’est donc un espace particulier mais aussi un temps particulier. Cette éphémère occupation va laisser une trace, même intangible dans les mémoires et contribuer à créer une mémoire commune. Donc contribuer à façonner l’identité du territoire.
3ème implication : indépendamment de la proposition artistique présentée, le spectacle itinérant fait référence à un imaginaire particulier aux formes multiples des plus traditionnelles aux plus contemporaines. Quand c’est un chapiteau, c’est au cirque traditionnel, quand c’est une caravane, une roulotte, une yourte, un bateau, on pense alors aux nomades, aux gens du voyage, aux marins, etc… Et des formes contemporaines s’inventent aussi et convoquent de nouveaux imaginaires, de nouveaux récits collectifs qui déplacent les rapports à la culture et mettent en scène les enjeux sociétaux actuels.
Il y a toujours une esthétique et donc un imaginaire qui existe en plus de ce qui est porté par la proposition artistique. Cette esthétique peut être la même ou pas du tout.
L’itinérance ce n’est pas juste un contenu artistique, c’est une démarche qui consiste notamment à créer de manière éphémère un lieu dédié au spectacle et à l’accueil de spectateurs au sein d’un espace qui n’était pas forcément fait pour ça.
Quand on porte un projet artistique itinérant, c’est un tout.
On sait que les dispositifs d’itinérance existent depuis près de 20 ans, ce n’est pas nouveau. Par contre, c’est le contexte qui est nouveau, et on parle ici de rétroinnovation : réinterroger la force de l’itinérance avec son histoire, ses pratiques face aux défis actuels de notre société :
- Qu’entendons-nous aujourd’hui par itinérance artistique ?
- Quelles structures artistiques se revendiquent de l’itinérance ?
- Quelle place aujourd’hui pour l’itinérance dans nos institutions ?
- À quels défis contemporains répond l’itinérance ?
- Et quelles formes d’itinérances s’inventent aujourd’hui et demain ?